HISTOIRE DE LA PUNITION SCOLAIRE


Extraits tiré du livre "La punition scolaire : histoire plurielle" p. 89-102 - Eirick Prairat : https://books.openedition.org/puc/9293?lang=fr&fbclid=IwAR3BQnp8NW_IzoNT5UsyPSnDoYeGt2WxlE9SDJrk58SHDbOKG0BX-qij4dM


"[...]Oui, l’école d’hier était violente, mais la famille l’était, la rue l’était, la justice l’était. L’École doit être appréciée à l’aune d’un contexte qui l’imprègne même s’il ne la surdétermine pas de part en part.[...]"

"[...]Pas de pratiques punitives sans légitimation, là où il y a du punir, il y a du discours.[...]"


Trois périodes sont définies dans l'évolution de la punition scolaire à travers l'histoire :

1. Le temps de la rationalisation (1550-1800)

"Il faut reconnaître que l’école de cette époque est brutale et que les maîtres ont souvent recours à des méthodes expéditives. La brutalité et la violence sont souvent le fait de laïcs isolés et engagés à l’année par les communautés villageoises. Ces maîtres, peu ou pas formés et qui complètent leur service d’enseignement en s’acquittant de quelques tâches au sein de la communauté (sonner les cloches, tenir les registres paroissiaux…), enseignent comme ils croient devoir le faire, c’est-à-dire sans grand scrupule. Le courant de rationalisation des sanctions est porté par des congrégations soucieuses de normaliser des pratiques jugées trop hétérogènes et peu conformes à l’idéal éducatif. On assiste, dans les principales congrégations enseignantes, à un important travail de définition et de réglementation de l’ensemble des pratiques éducatives. L’heure est à la codification.[...]"

"[...Une bonne main est une main armée. Bien sûr, c’est une question de pudeur, frapper de la main est aussi malséant que de « baisoter, mignarder ou faire des autres choses semblables ». Mais ce n’est pas la seule raison, les maîtres congréganistes sont soucieux de dissocier violence et châtiment, estimant que la confusion des genres est préjudiciable à la dignité de la fonction magistrale. On ne doit jamais, peut-on lire dans la Conduite des écoles chrétiennes, frapper les écoliers du pied, ni de la baguette, et il est même tout à fait contre la bienséance et la gravité d’un maître de tirer le nez, les oreilles, ou des cheveux et beaucoup plus de les pousser rudement ou de les tirer par les bras. Le maître n’est pas une brute. « Il ne les frappera jamais par la tête, ni avec les verges ni avec les mains, ni ne leur tirera les oreilles ou le nez ou les joues ». Quand le maître châtie, c’est avec mesure et en respectant quelques règles. Jacques de Batencour ne veut pas que l’on frappe avec « son chapeau » ou « son bonnet » mais « seulement avec la verge, la férule ou la baguette ».Tout ce qui peut évoquer l’emportement et la brutalité incontrôlée est à proscrire. Le recours à la gifle ou à certains comportements trop familiers donne l’image d’une personne encline à la violence.[...]"

"[...] Les grandes congrégations ne s’en tiennent pas à lister les instruments disciplinaires légitimes, elles précisent des hiérarchies et des modes d’emploi.[...]"

"[...] D’où l’importance des rituels dans la vie punitive de l’école de jadis. Ceux-ci protègent et l’enfant et le maître, car ils sont une garantie contre la brusquerie, contre l’irruption soudaine de la violence. Le temps méticuleusement ordonnancé est toujours une manière de dissoudre l’imprévu, de tenir à distance le monde souvent imprévisible des pulsions. Le rituel punitif semble dire : le maître punit, il ne violente pas.[...]"

2.Le temps de la libéralisation (1800-1960)

" [...]Renvoi de classe, arrêts, mise au piquet, cachot, les formes les plus variées de la mise à l’écart se développent. On voit également prospérer l’écriteau, le bonnet d’âne, le travestissement ; il s’agit moins de faire éprouver une douleur que d’exposer à un déshonneur. C’est aussi le temps des pensum – la littérature en témoigne ; il est distribué avec prodigalité. La montée en puissance de ces formes punitives atteste que l’on investit les corps de manière moins physique et moins brutale. L’adoucissement du régime punitif dans les lieux d’enseignement ne s’est pas déployé sur un mode uniforme et continu, il a procédé par à coups, par une série de poussées réformatrices. "

"La première est l’avènement de l’enseignement mutuel (1815-1850). En proposant à certains élèves de suppléer le maître dans sa tâche de transmission, l’enseignement mutuel a suscité au sein de la société française des débats passionnés qui ont largement dépassé la sphère des milieux de l’éducation. [...] quelques-uns des plus éminents défenseurs de l’enseignement mutuel ont vu dans cette méthode un moyen économique pour diffuser les connaissances élémentaires et un dispositif pertinent pour familiariser les jeunes Français avec les vertus de responsabilité et de coopération. [...]"

"[...]Le courant hygiéniste représente la seconde poussée réformatrice. Parmi les plus précoces prises de position en faveur d’une pratique punitive faisant l’économie des châtiments corporels et, plus généralement, en faveur de la suppression de toute forme de violence à caractère pédagogique, figurent les ouvrages de médecins hygiénistes comme ceux de Pavet de Courteille ou de Simon de Metz…[...]"

"[...] La troisième et dernière grande poussée réformatrice est l’avènement des pédagogies nouvelles. Tout au long de la première moitié du xxe siècle, c’est une effervescence pédagogique, comparable à celle de la Renaissance, que vont connaître les pays anglo-saxons et européens. Avec Decroly, Claparède, Montessori, Ferrière, Freinet, Dewey ou encore Cousinet qui sont les principales figures de cette révolution silencieuse, c’est l’ensemble des positions de la pédagogie traditionnelle qui sont revisitées et contestées : le recours à la contrainte, l’exercice de l’autorité, le rôle du maître, la place de l’effort. Les novateurs en appellent, par-delà leurs différences d’inspiration, à la participation, à l’esprit d’initiative, à la créativité ou encore au sens de la responsabilité. L’étude ne doit plus être pensée comme une ascèse mais comme un moment d’enrichissement personnel et d’épanouissement, ce qui engage le maître à repenser son travail en termes de stimulation et d’accompagnement. Le sens même de la sanction s’en trouve alors changé.

La pensée pédagogique traditionnelle, nous le savons, justifie la punition d’une double manière. Elle est d’abord là pour moraliser l’enfant. Le maître doit non seulement savoir convaincre, il doit aussi, quand les circonstances y obligent, savoir contraindre. La sanction doit aussi garantir l’ordre dans la classe et, par là même, favoriser un climat propice à l’étude. La transmission des savoirs requiert calme et docilité. La punition est une arme pour lutter contre la dispersion et l’agitation. C’est une conception strictement répressive qui est théorisée de manière dominante jusqu’à la fin du xixe siècle. Avec les novateurs, la sanction n’est plus envisagée dans une perspective normalisatrice mais dans le souci de faire comprendre à l’élève que la transgression est une rupture de contrat. La faute est moins un acte de désobéissance que la violation du lien de solidarité qui relie les membres du groupe. La sanction n’est donc pas là pour ramener l’individu à l’obéissance par l’exercice d’une contrainte, parfois douloureuse, mais pour remettre en état ou faire supporter au coupable les conséquences sociales de ses actes.

Cette période voit aussi naître plusieurs expériences libertaires tout à fait remarquables. On évoque souvent la fameuse école de Summerhill, mais c’est l’expérience des maîtres-camarades de Hambourg dans les années 1920 qui a incarné dans sa forme la plus radicale l’utopie d’un espace éducatif sans contrainte et sans punition. Refus des structures, abolition des programmes, tout ce qui pouvait rappeler l’organisation traditionnelle fut banni. Les maîtres de Hambourg pensaient que seule la liberté entendue comme absence de contrainte pouvait faire émerger les trésors cachés de l’enfance. Les maîtres ne voulaient plus être des maîtres mais des camarades. L’échange intellectuel et l’amour devaient suffire puisqu’il s’agissait d’accompagner l’enfant sur la voie de son libre développement. [...]"

3. Le temps des doutes (1960-2000)

"[...]C’est la légitimité même de l’acte de punir qui est remise en cause. Comment punir celui (l’élève) qui apparaît de plus en plus comme un semblable ? Pendant les années 1970-1980, on assiste à un triomphe de ce que l’on peut appeler les discours de substitution. C’est un même schème de pensée qui est au travail dans la rhétorique éducative : la contrainte pose des difficultés, exit la contrainte, célébrons le contrat ; l’influence pose question, exit l’influence, dialoguons. Ce discours libéral, au mauvais sens du terme, n’a pas signifié la fin des pratiques punitives, les enquêtes l’attestent, elles ont perduré. Jamais, cependant, l’écart entre discours et pratique n’a été aussi fort au sein de la communauté éducative.

Les années 1990 marquent, aussi étrange que cela puisse paraître, le retour de tout un ensemble de thèmes que l’on croyait pourtant désuets : l’autorité, la loi, la sanction… C’est moins un retour in statu quo ante qu’un moment de redécouverte puisqu’il s’agit de revitaliser l’autorité mais en l’expurgeant de toute trace d’autoritarisme, de repenser la sanction mais en la purifiant de son intention expiatrice ou encore de réaffirmer la loi mais en exhumant sa dimension socialisante et protectrice. On cherche également à articuler des propositions qui s’étaient données, quelques années plus tôt, comme contradictoires. On comprend alors qu’éduquer c’est avoir recours au contrat et à la contrainte ; qu’éduquer c’est certes dialoguer et écouter mais c’est aussi imposer et sanctionner.

La montée des actes d’indiscipline et de violence, ces dernières années, dans les lieux d’enseignement a, sans aucun doute, contribué à réactiver la réflexion sur la sanction mais ce n’est pas la seule raison. Les enquêtes sociologiques nous apprennent que, dans les collèges et lycées des années 1990, on a de plus en plus souvent recours à des procédures d’exclusion et que l’on use, souvent désemparé, de sanctions illégales. D’une manière générale, les procédures punitives sont extrêmement disparates d’un établissement à un autre, voire à l’intérieur d’un même établissement. À cela s’ajoute un nombre croissant de conflits entre parents et représentants de l’institution scolaire. Il n’échappe à personne que cette question de la sanction est devenue un objet de litige et qu’elle souffre, à l’évidence, d’un manque de lisibilité et de légitimité. Il apparaît alors urgent de reprendre cette délicate question pour la repenser à nouveaux frais.

Le paradigme psychologique qui avait été le corpus de référence pour codifier les questions de la loi et de la sanction des décennies durant et notamment dans la première moitié du xxe siècle, va être écarté au profit du droit. C’est le retour du droit et tout laisse à penser, cette fois, que c’est pour de longues années. Le droit, dans sa dimension principielle, apparaît aux éducateurs comme un corpus structuré et immédiatement opératoire. Il semble en mesure de concilier trois grandes exigences : maintenir une forte rationalité dans les procédures, garantir les droits individuels et redonner une nouvelle légitimité à une intervention qui était de plus en plus souvent contestée. Légitimer l’acte de punir sans remettre en cause les acquis de la libéralisation, telle est la promesse qu’enferme le droit, tel est le sens de la réforme de juillet 2000. [...]"
D'après Eirick Prairat, on peut différencier les punitions en 4 catégories :

-La punition-expiation ou le corps châtié : Punir c’est purifier, punir c’est châtier.

-La punition-signe ou le corps marqué : Punir est un art de suggérer, punir c’est faire savoir.

-La punition-exercice ou le corps dressé : La punition-exercice ne répare pas un dommage, elle ne purifie pas, elle façonne. Punir c’est dresser, punir c’est exercer.

-La punition-bannissement ou le corps évincé : Punir c’est extraire d’un lieu, soustraire d’un groupe ; punir c’est exclure.
Alternatives à la punition
Sentiment d'injustice lié à la punition.

Question sous jacente : comment gérer les problèmes ? 

EMPATHIE

Instaurer un climat de collectivité pour déjouer le rapport d'autorité est une piste.

Témoignages / idées :

- Julia : exultoire physique comme alternative à la punition.

- Marion : question du rêglement, qu'est ce qu'on punit et pourquoi ? Auto gestion, établir ensemble le rêglement.

- Adeline : réfléchir la punition en fonction du besoin de l'élève, espace de réflexion ou de défoulement. Question du public et de l'éfficacité.

- Olivier : cultiver la confiance des élèves dans le groupe-classe par exemple en répartissant des tâches puis valorisation de chacun par la réalisation desdites tâches.

- Nicolas : Preciado, Pornotopie et l'architecture carcérale.

- Antoine: // histoire de l'éducation des chiens (aujourd'hui on ne punit plus les chiens). Voir Dona Haraway et le Manifeste des animaux de compagnie. A propos de la gestion de l'attention des élèves, voir Pour une écologie de l'attention de Yves Citton.
http://www.cpcp.be/wp-content/uploads/2019/06/droit-punition-ecole.pdf

A propos du glissement de l'autorité traditionnelle vers l'autorité rationnelle-légale, texte de Axel Winkel. (cf. "Autorité")
Autre type de punition : la punition réparation
http://www.ufapec.be/files/files/analyses/2011/0411-punition-sanction.pdf
Est ce que les punitions sont vraiment efficaces ?
Si oui, lesquelles ?
Si non, pourquoi continuer?

De nouvelles façons de faire école sont possibles !
La fenetre du fond
"En cas de manquement, le maître montre la règle enfreinte et applique la peine prévue, de manière neutre, impersonnelle."